Donne-moi le repos

Genre : Yuri (mais vraiment très soft ), drama, death, déprimant
Résumé : Une jeune fille, devenue un esprit, est condamnée à revivre le jour de sa mort.
Note : Je ne veux en aucun cas être tenue responsable des dégâts que cette fic peut avoir sur votre psychologie, vous lisez à vos risques et périls…
Note 2 : On m'a fait la remarque, un jour, que ça ferait un bon film XD

Donne-moi le repos

Je me souviens encore de ce jour comme si c’était hier. Pourtant cela fait des mois, peut-être même des années que c’est arrivé, je n’ai plus de notion du temps qui passe. Mais je ne peux cesser d’y penser. Jour et nuit, je revois ce moment. Ce moment où tu m’as abandonnée. Depuis le temps, tu as sûrement dû oublier. Elle non plus ne doit plus s’en souvenir remarque. Vous devez sûrement être toutes les deux dans un appartement, heureuses. C’est bien pour vous. Mais moi… Moi je suis bloquée ici. Bloquée avec mes regrets, ma tristesse, et tant d’autres choses qu’on ne peut décrire avec de simples mots.

Avec tous ces morceaux de verre éparpillés au sol, on pourrait me demander pourquoi je ne mets pas fin à mes jours pour arrêter ma souffrance. Mais mes jours sont déjà finis. Je suis morte. Je suis morte à cause de toi. Mais bizarrement, je ne t’en veux pas. Tu as fait ton choix, je ne peux pas t’en vouloir. Néanmoins, même si je sais que je ne peux rien y faire, je n’arrive pas à partir de cet endroit. Cet endroit où tu m’as laissée mourir.

Je me demande quelle serait ta réaction si tu revenais sur ces lieux et que tu me voyais, là, sous forme de spectre. Un spectre qui attend patiemment d’être libérer, comme il a attendu que les choses changent. Mais rien n’a jamais changé. Et aujourd’hui encore, je suis sûre que rien n’a changé. Que tout est comme avant. A la différence que maintenant je ne suis plus là. Peut-être en es-tu contente ? C’est peut-être pour ça que tu es partie en me laissant mourir sans te retourner.

Attendre… C’est tout ce que je suis capable de faire dans l’état où je suis. Attendre que le temps passe, que mes démons me laissent en paix et que je puisse enfin partir d’ici. Mais est-ce que ce jour arrivera ? Je n’en sais rien. J’ai le sentiment que tout dépend de toi. Le sentiment que si je suis encore ici c’est pour t’attendre. Mais tu ne viendras sans doute jamais.

En fait, je me demande ce que tu es devenue. Tu étais déjà très belle avant. Maintenant tu dois l’être encore plus. Oui, tu as toujours été tellement belle… Tellement désirable même. Et moi… Moi que suis-je comparée à toi ? Je ne suis qu’une loque. Une chose insignifiante, sans importance. Et c’était d’ailleurs comme cela que tu me traitais quand nous étions jeunes.

J’ai essayé maintes fois de t’oublier, crois-moi. Mais à chaque fois quelque chose me pousse à penser encore à toi. C’est plus fort que moi. Je ne peux pas m’en empêcher. Pourtant, il faudra bien un jour que j’arrive à t’oublier. On dit que la mort nous délivre de tous nos problèmes. Pourtant, j’en ai encore moi. Si seulement je t’avais parlé plus tôt. Si seulement je n’avais pas été aussi conne pendant tout ce temps. Si seulement… Si seulement j’avais compté un peu pour toi.

Je suis pitoyable n’est-ce pas ? Je suis morte et je trouve encore le moyen de me plaindre. Les morts ne sont pas vides de sentiments contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Lors de l’accident, à peine la moitié des gens présents ont pu s’en sortir. Mais tous ceux qui sont morts ont fini par trouver le repos. Maintenant je suis seule. Je suis la seule qui n’ai pas encore réussit à avoir la paix. Même les cas les plus désespérés ont finalement rejoint les cieux. Alors pourquoi pas moi ? Pourquoi suis-je encore dans cet endroit lugubre et rempli de souvenirs atroces ? Pourquoi, moi, je ne peux pas partir ? C’est pas juste.

Oui, c’est pas juste. Je l’ai souvent pensé. C’est pas juste. C’est pas juste. C’est jamais juste. C’est toujours injuste. La vie est faite d’injustice. Mais je n’y peux rien. C’est comme cela. Ca a toujours été ainsi et ça ne changera jamais. Tout comme tes sentiments à mon égard.

J’en ai marre d’être assise comme ça, les genoux contre ma poitrine et la tête dans mes bras. Je relève les yeux pour les poser sur ce qui m’entour. Mais je ne vois rien. Rien que du vide. Du vide partout. Du noir. La mort. Tout est mort ici. Même moi je suis morte. Je regarde par le large trou dans le mur et je vois le soleil se coucher. Ca va bientôt recommencer. Je vais bientôt revivre mes derniers instants comme je les ai revécus pendant tout ce temps.

Mais je ne veux plus les revivre. Ca fait si mal à chaque fois. Et c’est de plus en plus douloureux. Si seulement je pouvais arrêter ça. Si seulement on pouvait venir me délivrer de ma souffrance. Si seulement je n’étais pas tombée amoureuse de toi.

Le soleil vient de finir sa descente dans le ciel, laissant sa place à la lune presque pleine et aux étoiles scintillantes. Quand j’étais petite, on me parlait d’une bonne étoile pour chaque personne qui veillait sur nous. Etait-ce un mensonge ? Je pense que oui car je n’ai visiblement pas une bonne étoile pour me guider. Sinon, pourquoi me serait-il arrivé tant d’horreurs et de choses désagréables ?

Il y a tellement de questions que je me pose et auxquelles je n’ai aucune réponse. D’ailleurs, personne n’en a les réponses. C’est comme si je voulais savoir pourquoi la Terre tourne dans un sens et pas dans l’autre.

J’entends soudain des souffles, des murmures. La lumière éclair maintenant fortement l’endroit qu’on dirait neuf. Le trou béant dans le mur a disparut pour laisser place à une magnifique baie vitrée éclatante de propreté. C’est vrai que cette pièce était jolie. Et elle le serait encore si elle n’avait pas brûlé avec tout le reste. D’ailleurs, je ne sais pas qui a déclenché cet incendie. C’est peut-être ça qui me libérerait. Savoir qui a fait de moi ce que je suis devenue. Celui à cause de qui je ne reverrais sans doute jamais celle que j’aimais tant et que j’aime toujours.

Je me lève et je me vois dans la vitre en face de moi, exactement comme lorsque j’étais encore du monde des vivants. La salle est pleine de monde. C’était lors d’une fête pour le nouvel an. Nous avions décidé d’organiser une grande fête où l'on réunirait le plus de gens possible. Malheureusement, moi je n’ai pas pu profiter de cette nouvelle année. Une bonne partie des personnes présentes non plus d’ailleurs.

Je t’aperçois avec elle. Et comme à chaque fois, je me dirige vers vous, avec un sourire. Un sourire peu franc et plutôt triste et timide certes, mais un sourire quand même. Vous vous rendez enfin compte de ma présence. Mais encore une fois, vous faites comme si vous ne m’aviez pas vu et vous dirigez dans une autre direction. Cette nuit-là, j’aurais dû m’en douter que tu réagirais de cette façon. Mais à chaque fois, je ne peux m’empêcher d’espérer que tu viennes vers moi. Pourtant, je sais très bien que je ne fais que revoir encore et encore cette nuit qui me hante.

Déçue par ta réaction, je retourne dans mon coin et je me mets à repenser à ce jour où j’ai trahi ta confiance. J’avais parlé avec ta petite amie et je m’étais mise à dire des trucs horribles. Je lui avais dit qu’en vérité tu ne l’aimais pas et que tu ne faisais que te servir d’elle. Vous aviez eu une longue dispute suite à ça. Et finalement, tu as fini par découvrir que c’était moi qui avais monté celle que tu aimes contre toi.

Quand j’y repense, il est vrai que ce que j’ai fait était vraiment atroce. Comment ai-je pu être aussi conne pour te faire une chose pareil ? Mais je t’aimais. C’est cela qui m’a poussé à le faire. Je sais très bien que ce n’est pas une excuse et que ça n’effacera jamais le mal que je t’ai fait. Je me doute aussi que tu n’as toujours pas dû me pardonner. Après tout, je suis morte, pourquoi aurais-tu besoin de me pardonner ?

Je sens alors une odeur de brûlé, puis des cris. Des gens commencent à se diriger vers l’origine de ces cris. La cuisine. Ils s’arrêtent tous devant, une expression d’horreur sur le visage. Au sol gît un homme brûlé grièvement. Il est sans aucun doute mort. Personne n’aurait pu survivre avec de telles brûlures.

Se fait entendre ensuite une explosion, qui vient, cette fois-ci, du sous-sol. Les gens se retournent, se demandant ce qu’il se passe. Une seconde explosion intervient mais cette fois les murs tremblent et le plafond commence à s’écrouler. Un morceau me tombe dessus, me faisant tomber au sol, inconsciente.

Lorsque je me réveille quelques minutes après, je vois des gens en sang étalés au sol devant moi, du feu partout. Je cherche tout autour de moi pour voir si tu es parmi les victimes mais je ne te vois nulle part. Je tente de me relever mais je me rends compte que je ne peux plus bouger mes jambes. Un bloc de béton me retient prisonnière. Si j’avais survécu, j’aurais sûrement été paralysée à vie.

J’entends un homme crier à tous les survivants de s’enfuir au plus vite sous prétexte qu’il risque d’y avoir une autre déflagration. C’est alors que je te vois enfin. T’acharnant autant que tu le peux pour éteindre le feu qui t’empêche de rejoindre ta bien-aimée inconsciente et de la sortir d’ici. Une fois fait, tu te tourne vers moi. Tu avais encore le temps pour me délivrer de ma prison de pierre. Mais de toutes les manières, tu n’aurais pas pu nous porter toutes les deux. Tu devais faire un choix. Sauver celle qui t’avait trahi par amour ou celle que tu aimais. Et ton choix s’est porté tout naturellement sur elle.

Tu la prends dans tes bras et te dirige le plus vite possible vers la sortie, sans te retourner une seule fois, me laissant là, mourante, aux mains des flammes qui accourent vers moi.

Le feu m’atteint finalement et je ne peux m’empêcher de crier. M’as-tu entendu ? Je ne pense pas. Les bruits de l’immeuble qui s’écroule ont sûrement dû couvrire mes hurlements de souffrance et de douleur. Ce feu, ces brûlures… Ca fait tellement mal. J’ai beau être morte, à chaque fois c’est pareil. A chaque fois ressens à nouveau le mal des flemmes consumant mon corps peu à peu.

Après quelques secondes, qui me paraissaient une éternité, à sentir les flammes me dévorant entièrement, je tombe dans l’inconscience. Pour l’énième fois – j’ai arrêté de compter après la quinzième - , je viens de revivre ma mort.

Je me réveille quelques minutes après, quelques heures peut-être en vérité, je n’ai jamais vraiment fait attention. Je regarde par le trou béant dans le mur, qui, quelques temps plus tôt, ressemblait encore à une belle baie vitrée, et vois le soleil pointer à l’horizon. Encore un nouveau jour à attendre que le temps passe et que la nuit tombe pour vivre encore une fois ma mort. C’est bien morne et lassant tout ça. Toujours la même chose, tous les jours.

A force on s’habitue. Je n’ai jamais aimé les jours qui se ressemblent. Mais je n’ai d’autre choix que d’accepter ce planning qu’on m’a fait sans mon consentement.

Mais quelque chose vient changer la monotonie de ma mort aujourd’hui. A qui appartient cette ombre s’avançant peu à peu vers les ruines qu'est maintenant cet immeuble ? Je me mets à espérer que ce soit toi. Mais ce serait bien trop beau pour être vrai. Des choses comme ça n’arrivent que dans les films ou les romans. Et puis pourquoi reviendrais-tu ici ? Tu n’aurais aucune raison pour cela. Rien ne te retient dans cet endroit.

Je regarde cette silhouette s’avancer. Elle paraît pourtant familière. La voici enfin à l’encadrement de ce qui était autrefois une baie vitrée. Non. Je ne peux pas croire ce que je vois. C’est un effet de mon imagination. Une simple illusion créée par mon esprit pour me faire souffrir un peu plus. Oui. Ca ne peut être que ça.

Je me relève doucement pour me retrouvée assise au sol au lieu d’être allongée dans ma position de morte. Je plisse les yeux pour être sûre de ma vision. Je passe ma main sur mon visage. Je n’arrive toujours pas à y croire. Pourquoi ? Pourquoi es-tu là ? Pour me faire souffrir encore un peu plus ? Pour être sûre que je ne trouverais jamais le repos ? Je te regarde attentivement. C’est bien toi, il n’y a aucun doute. Tu n’as que peu changée depuis tout ce temps. Mais je ne pensais pas que tu serais en aussi mauvais état. Je vois tes lèvres bouger mais je n’arrive pas à comprendre ce que tu dis.

De l’eau. Tu as de l’eau sur tes joues. Elle vient de tes yeux. Pourquoi pleures-tu ? Et pourquoi vois-je trouble tout à coup ? Je me rends compte alors que je pleure moi aussi. Je ne sais même pas pourquoi. Peut-être est-ce une partie de moi qui est heureuse de te revoir et qui ressort sous forme de larme. Mais toi…

Aucune de nous deux ne parle. Comme si nous avions peur de briser le silence tranquille qui s’est installé entre nous. Je n’ose pas te demander pourquoi tu es là. Et que pourrais-je faire d’autre que m’excuser pour toutes mes erreurs passées de lorsque j’étais encore vivante ?

Pendant cet instant de silence, je te regarde attentivement et remarque que tu as encore beaucoup maigri. Tu n’étais déjà pas épaisse avant mais là tu bats tous les records. Tu n’as pas dû beaucoup mangé ces derniers temps. Tes joues sont creuses. Tes bras et tes jambes sont tellement fins qu’on croirait qu’il n’y a rien sous la peau. De plus, tes vêtements sont clairement trop grands pour toi. Même la ceinture que tu as mise pour faire tenir ton short n’a pas assez de crans pour cacher ta minceur. Et ton débardeur… On pourrait presque en mettre deux comme toi à l’intérieur. Tes cheveux blonds sont moins brillants qu’avant. Et tu les as coupés aux épaules. C’est dommage, je les aimais beaucoup comme ils étaient. Et tes yeux… Tes yeux bleus pâles, presque transparents… Ils reflétaient tellement de joie de vivre, tellement de bonheur… Et maintenant, ils paraissent si tristes. Il sont si livide de toute joie. Et ton teint. Ton teint si beau devenu blême, malade.

Je baisse la tête et me rends compte que je suis vraiment très mal placée pour penser tout ça de toi. L’image qu’il reste de mon corps est en bien plus piteux état. Avant de mourir, j’étais habillée d’une simple robe noire dont il ne me reste plus que les loques. Si je n’étais pas morte, je n’aurais peut-être plus rien sur moi tellement le tissu a été brûlé. Mes cheveux noirs sont emmêlés et secs comme de la paille. Ils ne m’arrivent qu’au milieu du dos. J’aurais tellement aimé les avoir encore plus longs. Mais ils ne pousseront plus jamais. Quant à mes yeux… Je ne les vois pas mais je peux imaginer comment ils doivent être. Ces yeux marrons que je détestais tant, alors que toi tu disais qu’ils étaient si beaux et si expressifs. Si tu savais comme tu me rendais heureuse en me disant cela.

Je relève la tête et vois tes lèvres s’entrouvrir pour que tu puisses parler et rompre le silence pesant. Je ne peux m’empêcher de penser que j’aurais tant voulu pouvoir les toucher des miennes.

- Tu as réussi à survivre pendant tout ce temps… Ici ?

Je mets un moment avant de comprendre ta question. J’ai cru déceler une pointe d’espoir dans ta voix. Ai-je rêvé ?

J’ouvre la bouche pour tenter de te répondre mais cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas servis de ma voix que je n’arrive plus à parler. Ou bien c’est peut-être parce que je n’arrive pas à te dire ce que je suis devenue.

- Je… Je suis…

Je vois tes yeux m’interroger et m’encourager à continuer du regard.

- … Morte…

Un mot qui paraît tellement simple mais qui est portant si dur à prononcer dans certains cas. Ce n’était qu’un murmure à peine audible. Je me demande même si tu m’as entendue étant donné ton manque de réaction. Peut-être est-ce parce que ça ne te fait ni chaud ni froid. Non, je sais que tu n’es pas aussi insensible…

C’est alors que, soudain, tu te jette sur moi comme pour me prendre dans tes bras. Mais je n’ai plus de corps. Tu passe donc au travers de mon spectre et te retrouve allongée sur le sol froid et sal, en proie à des tremblements incontrôlables dus à tes violents sanglots. Je me mets à genoux à côté de toi et tente de poser ma main sur ton dos dans un geste consolateur mais tu ne sens qu’une faible pression d’air. Je t’entends parler mais je ne comprends rien à ce que tu dis.

Après quelques minutes, tu finis par te calmer et te relèves pour me regarder de tes yeux blêmes, mouillés par les larmes.

- Elle était morte… Pardonne-moi, s’il te plait… Je suis tellement désolée… C’est de ma faute si tu es comme ça…

Je ne comprends pas de quoi tu veux parler. Qui était morte ? Pourquoi t’excuses-tu de mon état ? C’est pourtant normal d’avoir voulu sauver celle que tu aimes au lieu d’une pauvre idiote égoïste qui t’as trahi sans penser une seule seconde aux conséquences qu’il pourrait y avoir sur toi.

Voyant mes yeux qui montraient clairement mon interrogation, tu reprends un peu plus calmement et clairement :

- Quand j’ai essayé de la sauver… Sara était déjà morte. Ca ne servait plus à rien d’essayer de la sortir d’ici… C’était déjà trop tard… Alors que toi… Toi, tu m’as regardé partir avec son cadavre alors que j’aurais pu te sauver et t’éviter une morte horrible. Je suis tellement désolée… J’ai était tellement égoïste…

Plus tu parles et plus il m’est difficile de t’entendre tellement ta voix baisse au fur et à mesures de tes paroles. Je te vois baisser la tête avec un air triste, désolé et honteux. Tu n’as pourtant pas à t’en vouloir à ce point. Je n’ai eu que ce que je méritais après ce que je t’ai fait subir.

Comme pour te rassurer et te montrer que je ne t’en veux pas le moins du monde, j’avance ma main vers ton visage et la pose sur ta joue, ne provocant qu’un simple petit déplacement d’air. J’aurais tellement aimé avoir un corps à cet instant pour pouvoir toucher ta peau qui doit être si douce.

Tu relèves tes yeux embués de larmes vers moi. Mes lèvres se courbent en un faible sourire qui reflète plus ma tristesse des événements passés que ma joie de te revoir enfin.

- Tu n’as pas à t’en vouloir. C’est moi qui aie tout gâché en voulant briser ton couple. S’il y en a une de nous deux qui est égoïste, c’est bien moi… Pardonne-moi Amy…

Oui, en fait, c’est cela que je recherche depuis tout ce temps. C’est ton pardon pour mes erreurs passées lors de mon vivant. Seul ton pardon pourra me faire trouver le repos.

Je vois, à ton expression, que tu as compris pourquoi je te demande de me pardonner. Tu baisses à nouveau la tête en me répondant d’une voix très basse :

- Je ne peux pas... Je ne veux pas que tu partes… Je t’en pris… Ne me laisse pas toute seule…

Je comprends ce que tu dois penser mais…

- Pourquoi veux-tu rester avec moi ? Je ne suis plus de ce monde. Je n’ai plus rien à faire ici. Je n’ai rien à t’offrir. Tout ce que je ferais, c’est te rendre un peu plus malheureuse chaque jour par mon incapacité à te donner quoi que ce soir d’autre qu’un amour non partagé.

Le silence s’installe à nouveau entre nous. Tu dois sûrement être en train de réfléchir à ce que je viens de te dire. Moi aussi j’aimerais tellement rester avec toi. Si tu savais à quel point j’en ai envie. Mais à quoi cela sert-il si je suis morte et toi vivante ? Cette situation ne ferait que nous rendre encore plus malheureuse, aussi bien toi que moi.

Je te vois tourner ton regard vers les bouts de verres qui restent de la lucarne. C’est stupide. Pourquoi vouloir mourir alors que toi tu as eu la chance d’être épargnée lors de l’accident ?

Je me lève et me place entre toi et les morceaux de verre, essayant en vain de les cacher malgré ma transparence. Je te regarde avec des yeux qui se veulent durs mais en voyant les tiens si suppliants de te laisser faire, je ne peux empêcher mon regard de s’adoucir.

- Tu ne peux pas faire ça. Ce serait un manque de respect et une insulte envers tous ceux qui sont morts dans l’accident alors qu’ils voulaient encore vivre…

- … Tu as raison…

- Alors pardonne-moi… Je t’en prie…

Sans me répondre, je te vois te lever et te diriger vers le trou dans le mur, par lequel tu es venue, me traversant. Je me retourne, ne comprenant pas ce que tu fais.

Tu t’apprête à sortir de la pièce en ruines. Non… Tu ne vas quand même pas me laisser ici… ? Pas encore… ? Non…

Je reprends mes esprits, sortant de ma transe et de mon étonnement, pour courir vers toi. Mais tu es déjà sortie. Et lorsque je tente de faire de même, j’en suis incapable. Je me heurte à un mur invisible. Une vitre inexistante pour toi mais qui est belle et bien là pour moi. Me barrant la route. M’emprisonnant dans cet endroit lugubre comme un oiseau en cage. Je ne peux que te regarder partir sans te retourner. Comme lors de l’accident. Pourquoi ? Pourquoi me fais-tu revivre ça ? Je connais cet instant par cœur. Mais là… Là tu pars sans aucune raison. Tu n’as aucune excuse pour me laisser là. Tu es la seule à pouvoir ouvrir la porte de ma cage… ouvre-la-moi… Par pitié…

Dans un élan de désespoir, j’essai de t’appeler en criant le plus fort que je peux, espérant que tu m’entendrais et tapant sur ce mur invisible qui m’empêche de te retenir.

- Amy !! Amy, je t’en prie !! S’il te plait, reviens ! Je t’en prie. Reviens… Je t’en prie…

Tu es sûrement déjà trop loin. Tu ne dois pas m’entendre. Et mes pleures m’empêchent de continuer à cirer pour que tu te retourne. Je n’ai plus qu’à abandonner. Me soumettre à mon sort. Je n’ai plus d’autre choix que de laisser cette nuit se répéter encore et encore, inlassablement. Enfermée dans cette cage. Dans ma cage.

Je suis maintenant agenouillée au sol, les larmes de désespoir coulant le long de mes joues. Désormais, je serais immanquablement contrainte à revivre ma mort. La seule personne capable de me sauver venant de partir, m’abandonnant à jamais. C’est tellement injuste. Tellement cruel. Pourquoi m’obliger à revivre cette mort si atroce ? Je sais pourtant que je n’ai pas fait que des choses bien de mon vivant. Mais est-ce que je mérite vraiment une punition aussi atroce ?

M’en veux-tu encore au point de me laisser ici avec mon désespoir ? M’en veux-tu au point de me laisser revivre ma mort éternellement comme un recommencement sans fin ?

Qu’ai-je fait pour être ainsi abandonnée dans cet endroit ? Tous ont trouvé le repos. Je suis la seule restante. Je ne suis maintenant qu’un simple fantôme perdue, bloquée, entre le monde des vivants et celui des morts et condamné à hanter ces lieux immondes. Cet endroit que je déteste tant maintenant.

Perdue dans mes sombre pensées, je n’entends pas tout de suite ta voix. Mais lorsque je m’en rends compte, je relève vivement la tête pour m’apercevoir que tu t’es retournée et que tu es revenue vers moi. Tu ne vas donc pas m’abandonner ? Une lueur d’espoir s’allume dans mes yeux. Tu me souris. C’est un sourire doux. Un sourire comme je les aime tant. Un sourire que j’aimerais pouvoir contempler tous les jours sans relâche.

- Laura… Je ne t’en veux plus depuis longtemps.

Je ne comprends pas… Si tu ne m’en veux plus… Alors, pourquoi ? Pourquoi m’avoir ignorée et rejetée ? Je ne comprends pas… Explique-moi…

Tu as sûrement dû comprendre ce que j’étais en train de penser car tu te mets à croupis devant moi pour être à ma hauteur et reprends tes explications.

- En vérité, Sara et moi n’étions plus ensemble lors de l’accident. Elle m’avait dit qu’il était évident que tu m’aimais plus que quiconque ne pourrait jamais m’aimer sur cette Terre. Et que même elle ne pourrait jamais égaler cet amour. On avait donc décidé de rester amies. Mais je voulais te faire comprendre que ce que tu avais fait m’avait tout de même beaucoup affectée et que je n’avais vraiment pas aimé. Alors pour être sûre que tu ne recommencerais plus, j’ai fait semblant de t’ignorer et j’ai demandé à Sara de te faire croire qu’on était toujours ensemble.

Tu fais une pause et je te vois baisser à nouveau la tête. Mais je peux percevoir les larmes roulant lentement sur tes pommettes.

Alors tu ne m’en voulais pas… ? C’était juste pour me faire comprendre que je ne devais plus jamais recommencer ? Au moins, dans l’état actuel des choses, tu peux être sûre que ça n’arrivera vraiment plus.

Tu reprends finalement d’une voix beaucoup plus faible :

- Mais… Je l’aimais… Je l’aimais encore… Alors j’ai voulu la sauver… Pour moi, c’était la seule qui comptait. Ce serait plutôt à toi de me pardonner, Laura.

A ta dernière phrase, tu as relevé la tête, me regardant dans les yeux. Arrêtes de faire ces yeux suppliants auxquels je n’ai jamais pu résister. Tu n’as vraiment pas besoin de ça pour que je te pardonne. Je ne t’en veux pas du tout. Ta réaction a été tout à fait normale. Je pense que j’aurais réagis pareil.

Je tends ma main vers toi et bizarrement, cette fois-ci, je peux traverser le trous béant du mur. Tes paroles étaient-elles la clé pour ouvrir la porte de ma cage ? Ma main arrive sur ta joue. Je peux la sentir sous mes doigts. Ta peau est si douce. Est-ce un effet de mon imagination ? Je voudrais tellement que ce soit vrai.

Et comme pour vérifier si tout ceci n’est qu’un rêve ou non, je m’élance vers toi pour te prendre dans mes bras. Ton corps. Je peux le sentir contre le mien. Cela fait tellement de bien de sentir de la chaleur humaine contre sois. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas ressentit ça.

Pleurant des larmes silencieuses dans ton cou, je murmure un faible « Je ne t’en veux pas. » avant de fermer les yeux et de te serrer un peu plus fort contre moi. Je sens tes bras autour de moi et ta main qui me caresse doucement le dos dans un geste consolateur.

Serait-ce un cadeau que me ferait le ciel pour me permettre de faire mes adieux à celle que j’aime ? Si seulement cela pouvait durer encore et encore. Mais toutes les bonnes choses ont une fin malheureusement et celle-ci ne fait pas exception à la règle. Je sens de moins en moins ta chaleur et ton corps. Non. Je ne veux pas que ça se termine. Pitié, laissez-moi encore un peu de temps.

Mais les supplication sont toujours vaines. Je me relève et te vois pleurer encore plus en regardant tes mains. Il nous est de nouveau impossible de nous toucher. J’aurais pourtant tellement aimé que ça dure plus longtemps.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Je me sens étrangement bien. Et légère aussi. J’ai l’impression de voler. Mais ce n’est pas qu’une impression… Je te vois t’éloigner de plus en plus. Non. En fait, c’est moi qui m’éloigne. Grâce à toi j’ai enfin trouvé le repos. Merci. Merci du fond du cœur. Maintenant je suis enfin libre. Je vais enfin pouvoir passer l’éternité en paix. Je n’aurais plus à revivre ma mort. Je suis enfin libérée de ce calvaire.

Finalement, cette histoire de bonne étoile était peut-être vraie. Ce qu’il vient de m’arriver était vraiment la plus belle chose que je n’ai jamais vécue. Même si je suis morte, je suis contente d’avoir pu te serrer une dernière fois dans mes bras et de savoir que tu ne m’en veux pas pour ce qu’il s’est passé. De plus, j’ai enfin pu voir que tu tiens un peu à moi. Ca me fait tellement plaisir.

Je ferme les yeux avec une dernière image de toi ancrée dans ma mémoire et me laisse porter doucement par le flot de bien aisance qui m’entoure.

Amy regarda son amie disparaître lentement avec difficulté, les larmes lui brouillant la vue. Elle venait de perdre encore une amie.

Elle se leva et s’apprêtait à partir pour de bon lorsqu’elle vit une forme au sol, à l’endroit même où elle avait vu Laura en arrivant. Elle s’en approcha et remarqua que c’était une forme humaine. Elle comprit que ce devait être le corps de Laura. Après un moment à le regarder, elle partit de la pièce en ruine, décidée à faire enterrer ce corps brûlé mais qui avait appartenue à une personne qui comptait vraiment énormément pour elle, même si elle ne lui avait pas montré à temps.

Désormais, le premier janvier de chaque année, Amy se rend au cimetière pour déposer des fleurs sur les tombes de ses deux amies défuntes. Des roses blanches. Leurs fleurs préférées.

Aujourd’hui est un de ces jours. Amy déposa la rose blanche destinée à Laura sur sa tombe où on pouvait lire sur la pierre tombale en lettres gravées :

« Ci-gît Laura Franchecour,
fille de Henri Franchecour et de Murielle Franchecour
Née le 28-05-2036 ; décédée le 01-01-2057
Dans l’incendie aux mille victimes.»

FIN (avril 2005)

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